La lutte contre le soi impérieux (2) : la préparation du terrain

La lutte contre le soi impérieux : la préparation du terrain

Cet article s’inscrit dans notre série consacrée à « La lutte contre le soi impérieux » :
► lire la présentation générale de la série : La lutte contre le soi impérieux (1) : passer à l’action
► voir tous les articles de la série : La lutte contre le soi impérieux

Le flux de nos pensées, est par nature imprégné d’émotions et d’idées favorables au soi impérieux. Pour contrer cette tendance, nous avons besoin d’un travail de fond qui mette régulièrement en circulation dans ce flux des éléments qui au contraire développent notre attention et notre motivation. Le travail de fond contribue aussi à notre éducation spirituelle. Il développe notre connaissance des principes éthiques et divins justes sans lesquels nous serons très vite dupés par les suggestions du soi impérieux. Au moment où il faudra effectivement passer à l’acte et s’opposer au soi impérieux, ces éléments nous seront d’un grand secours.

Prière

L’oubli est l’allié le plus puissant du soi impérieux : oubli de nos objectifs et de la nécessité même de lutter, oubli des résolutions que nous avons prises, manque d’attention sur les pulsions qui nous traversent et nous font agir à leur guise. Pour ne pas sombrer dans l’inconscience, nous avons besoin de nous ménager des petits moments de pause, comme des îlots d’attention, qui nous permettent de nous remémorer notre but pendant un temps, avant de nous engager à nouveau dans le tourbillon de la vie matérielle. Ce sont ces petits moments de pause que nous appelons prière. La prière peut prendre une forme spécifique (par exemple la récitation d’un texte) ou libre (par exemple un dialogue intime et personnel avec le Créateur). L’essentiel est qu’elle soit faite avec attention et nous permette de nous remémorer la présence divine, le but de notre vie sur terre et éventuellement les objectifs précis que nous nous sommes fixés à ce moment-là (un programme de lutte contre tel défaut…). Pour faire face à l’hyperactivité du soi impérieux, il est essentiel de répéter l’exercice sur une base régulière (par exemple, plusieurs fois par jour à heure fixe) et de rester le plus concentré possible. En nous donnant l’occasion de nous remémorer notre dimension céleste, la prière sert de piqûre de rappel et injecte dans notre pensée des éléments qui nous aident à maintenir tout au long de la journée l’attention, l’énergie et la motivation indispensables à la lutte.

La prière quotidienne peut se compléter par des actes de charité, à condition qu’ils soient accomplis par devoir humain ou dans l’intention du contentement divin : faire l’aumône ou des dons aux œuvres sociales, visiter des malades ou des personnes âgées, aider bénévolement des personnes qui sont dans le besoin…, cette forme de prière en action aide à tourner notre attention vers des valeurs autres que la simple satisfaction de notre égoïsme. Car le principe à l’œuvre dans de ce type de pratiques est bien de maintenir l’attention tournée vers la dimension spirituelle de notre existence. Plus nous gardons à l’esprit cette dimension, plus nous ressentons l’omniprésence divine et moins nous sommes sensibles aux suggestions et aux émotions du Soi impérieux qui perd alors un peu de terrain.

Lectures et étude spirituelles

Tout comme la prière, les lectures spirituelles régulières permettent de maintenir une certaine attention vers notre dimension céleste. Mais elles permettent en outre d’apprendre ou de se remémorer les repères théoriques sur lesquels doit se fonder la lutte. La connaissance des principes éthiques et divins est en effet à la base de l’éducation de pensée. Se les remémorer régulièrement, et plus encore les étudier et en approfondir le sens, permet de faciliter la reconnaissance des manifestations du soi impérieux, de trouver de nouvelles pistes de travail sur soi, de développer l’envie et la motivation de lutter.

Précisons toutefois que dans le cadre de la lutte contre le soi impérieux, l’étude et la lecture aussi bien que la prière ont une fonction d’adjuvants, nécessaires mais non suffisants. Elles constituent certes déjà en elles-même une lutte directe contre le soi impérieux. Il suffit pour cela d’expérimenter la violence avec laquelle ce dernier se rebelle en général contre toute tentative de concentrer notre attention ou notre réflexion sur le divin et les sujets spirituels. Mais cette lutte à elle-seule ne comporte pas de dimension éthique et ne suffit donc pas à nourrir pleinement notre organisme spirituel. Il s’agit plutôt d’une lutte préparatoire qui, en développant notre attention à la Source et notre enthousiasme, aide à la lutte éthique qui, elle, constitue le cœur de la pratique spirituelle.

Côtoyer des personnes positives

La motivation à lutter passe autant par des modèles vivants que par des repères théoriques. C’est pourquoi, il est bon de profiter pleinement des relations avec lesquelles nous pouvons discuter de sujets éthiques et spirituels, qui nous permettent de partager des expériences et de nous motiver. Nous avons peut-être aussi dans notre entourage des personnes qui se distinguent par leurs qualités humaines : des personnes profondément généreuses ou vraiment indulgentes, des personnes dont le comportement respire l’équilibre, la sagesse ou la bonté, des personnes qui ne médisent jamais ou qui ne se plaignent jamais, affrontant avec courage les épreuves de la vie…

Le milieu social d’aujourd’hui nous influence en général dans un sens favorable au soi impérieux. Fréquenter des personnes qui nous tirent vers le haut nous permet d’être pour une fois influencé dans le bon sens, de nous stimuler et nous guider par l’exemple dans nos aspirations à nous transcender. Si, comme on peut le supposer, tout le monde n’a pas dans son entourage un être possédant toutes les qualités humaines, on peut du moins avoir la possibilité de s’inspirer d’une personne qui a développé de façon admirable une vertu particulière :

J’ai une amie que j’aime beaucoup. Je ne peux pas dire qu’elle est parfaite, loin de là, mais elle a une qualité particulièrement frappante dès qu’on la fréquente un peu : c’est son immense générosité. Tout se passe comme si cette générosité irradiait constamment de sa personne, si bien que le simple fait d’être auprès d’elle vous fait du bien. Plus que de générosité, il s’agit en fait d’une sincère attention aux autres, d’un véritable altruisme. Je suis pour ma part très loin d’être spontanément généreux, tourné vers les autres et soucieux de leur bien-être. Et lorsque je veux lutter et aller contre ma nature égoïste, il m’arrive de me remémorer sa personnalité et sa force d’altruisme. Je ressens alors immédiatement une sorte de douceur intérieure, comme si je sentais le parfum de cette vertu. Le deuxième effet est un élan intérieur qui me saisit et m’aide à passer à l’action.

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Lorsque j’étais étudiant à l’université, ce n’était pas le professeur le plus en vue et le plus brillant qui exerçait sur moi la plus grande influence mais celui, quoique plus humble et moins renommé, qui me semblait se consacrer à ses étudiants avec le plus de diligence. Les conseils qu’il nous donnait étaient toujours empreints d’une grande générosité. Au lieu d’utiliser les cours pour se mettre en valeur, comme le faisaient certains grands professeurs, il était réellement tourné vers l’intérêt des étudiants. C’est ainsi que lorsqu’un moment de désespoir et de négligence m’avait envahi, il avait su trouver les mots pour me redonner goût à l’effort, ce qui m’avait permis de revenir dans la course et finalement obtenir mon diplôme en fin d’année. Je me souviens également de ses encouragements enthousiastes et de son absence de dogmatisme à l’égard de mes propres recherches et des orientations, différentes des siennes, que je souhaitais développer à l’issue de mon diplôme. Son influence m’a suivi pendant des années et m’a toujours aidé à garder un cap positif, notamment dans mon travail. Aujourd’hui encore, lorsque j’enseigne ou que je suis en proie à certaines difficultés professionnelles, c’est ce modèle de générosité, de rectitude et d’ouverture d’esprit que j’essaie de mettre en pratique. Dans ma mémoire, ce modèle agit comme un véritable support éthique et m’incite à contrôler certaines de mes tendances impérieuses. Sous l’influence de ce modèle, je m’efforce d’accorder à mes élèves plus d’attention et de bienveillance et de réfréner mes accès de vantardise ou d’égocentrisme.

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J’ai un cousin qui est gentil mais qui fait beaucoup de bêtises et qui ne réussit pas très bien sa vie que ce soit sur le plan professionnel ou personnel. Quand nous parlons de lui, en famille, c’est avec beaucoup de condescendance et sur un ton de moquerie à peine voilé. Un jour j’ai été amenée à parler de ce cousin seule à seule avec une de mes tantes que j’aime beaucoup, et j’ai pris tout naturellement avec elle ce ton de complicité qui signifie en substance : « Nous qui faisons tout comme il faut, nous comprenons sans même avoir à le dire, qu’il est vraiment nul… ». Mais au lieu de répondre à ce ton de complicité, elle a coupé court. Ce qui m’a frappée, c’est la douceur avec laquelle elle a fait cela : douceur envers ce cousin, puisqu’elle refusait d’entrer dans le cercle de ceux qui le méprisaient, mais douceur aussi envers moi, car même si elle refusait d’entrer dans mon petit jeu, elle ne cherchait nullement à me donner une leçon. Il m’a plutôt semblé qu’elle évoluait naturellement dans un cadre de pensée infiniment plus clair et plus vaste que le mien où les petites préoccupations, les comparaisons entre les autres et moi, qui en général prennent tant de place dans mon esprit n’avaient plus leur place et se trouvaient comme dissoutes. Cette expérience m’a beaucoup marquée et me sert aujourd’hui encore de modèle.


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1 commentaire

  1. A. le 02 Juil 2025 à 6:07 1

    « Il développe notre connaissance des principes éthiques et divins justes sans lesquels nous serons très vite dupés par les suggestions du soi impérieux. »
    Tous les 1-2 mois je rends visite à une tante très âgée et très seule. C’est une tâche pénible, le voyage est long et l’accueil n’est jamais chaleureux. De surcroît elle se plaint tout le temps ou bien elle se glorifie de sa vie exceptionnelle et de ses actes d’altruistes. Elle coupe systématiquement la parole à ses interlocuteurs, au point qu’on n’arrive même pas lui poser des questions. Elle ne montre aucune gratitude pour les visites et au bout de 2-3 heures de monologues je quitte (fatigué). J’essaie en général de retourner la voir le jour d’après mais au bout de deux heures, à nouveau, je finis par la quitter lassé. Récemment, quelques jours après une de ces visites pénibles, je l’ai appelée pour m’enquérir de sa situation et j’ai appris qu’elle me jugeait négativement puisque je ne passais que très peu de temps avec elle « ma famille m’abandonne, toi en particulier tu es responsable de cet abandon ».
    Après coup, j’ai analysé la situation et j’ai compris que son jugement négatif était (en partie) la réaction de mes propres pensées négatives vis-à-vis d’elle. Cependant, ce n’est qu’après avoir lu le passage suivant « Chaque fois que nous sommes tentés de porter volontairement atteinte aux droits d’autrui, à son insu, que ce soit par la pensée (pensée négative), par la parole (médisance, diffamation, délation) ou par les actes (trahison, agression, prédation), rappelons-nous que nous serons un jour placé face à cette personne et que celui-ci verra clairement en nous ce que nous lui avons fait » (Voie de la Perfection, Chapitre 16, page 124) j’ai mieux compris la gravité des pensées négatives et ma volonté à lutter contre elles s’est renforcée.

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